Test : Persona 5 Tactica (PS, Xbox, PC, Switch)

Après le RPG, après le Dungeon-RPG, après le Beat'em all, après le Rhythm Game, Atlus nous proposent de retrouver la licence Persona 5 autour d'un autre genre : le Tactical-RPG. De quoi patienter jusqu'au kart racer et autres simulateurs de lavage. Avec Persona 5 Tactica, Atlus reviennent sur le genre de la stratégie, qu'ils avaient délaissé suite à l'arrêt de la 3DS et des petits projets qu'elle rendait possible (jeux Devil Survivor). Cette fois-ci, leur approche est davantage en phase avec ce qui fonctionne à notre époque, et propose des batailles courtes dans des environnements de petite taille. Une recette gagnante pour ce spin-off ?

On re-re-re-reprend les mêmes, et on recommence

Les fans de Persona 5 peuvent se réjouir, la fine équipe de voleurs est de retour au complet. Enfin sauf les personnages prisonniers des DLCs de lancement, bien sûr (on y reviendra plus tard). L'histoire plonge nos héros dans un nouveau royaume mystérieux au sein du Metaverse, ce monde virtuel au centre de l'intrigue de Persona 5. Deux personnages font leur apparition : Erina et Toshiro. La première est une combattante guidant la rébellion (car qui dit royaume, dit roi ou reine, et donc, rébellion obligatoire). Le second quant à lui est un homme politique dont le passé sera au cœur de l'intrigue.

L'aventure nous propose de parcourir (attention, énorme spoiler !) quatre différents royaumes, le premier étant sous le contrôle d'une femme nommée Marie. Ce monde dans le Metaverse y prend des thèmes rappelant fortement Alice au Pays des Merveilles, et annonce une aventure réellement prenante. Après une série de batailles pour s'échauffer et assimiler les subtilités du jeu, l'ensemble prend plus d'ampleur jusqu'au boss, qui conclut le passage dans cette contrée. Les autres royaumes offrent des thèmes différents, mais une construction semblable.

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La stratégie pour les gens qui n'ont pas le temps

Si vous avez adoré Shining Force, Dragon Force ou encore Valkyria Chronicles, et bien sachez que Persona 5 Tactica n'a absolument rien à voir avec ces jeux. Il ne ressemble pas non plus aux jeux Devil Survivor sortis sur DS et 3DS. La formule utilisée ici est reprise de jeux plus récents comme X-Com et les Mario VS. Lapins Crétins. On y contrôle une petite escouade de trois personnages (quatre vers la fin du jeu) dans de petites cartes utilisant des damiers. L'accent est mis sur la couverture (derrière les obstacles, pas votre plaid) et les attaques à distance. Le placement est important et il existe de nombreux moyens de déplacer les ennemis, afin de les mettre à découvert. Le positionnement est donc la clef et le jeu est très permissif à ce niveau, puisqu'on peut bouger tous les personnages à tour de rôle autant que l'on veut, dans les limites de leur zone de déplacement, jusqu'à ce que l'on soit satisfait.

Par-dessus ces éléments basiques viennent se greffer deux choses : le fameux 1-More, marque de fabrique de Shin Megami Tensei, qui permet de rejouer si on frappe un point faible. Et également la Triple Menace, une attaque ultime qui rend toutes les autres attaques sans intérêt dès qu'elle devient possible. Afin d'effectuer un 1-More, il faudra attaquer un ennemi à découvert. Une stratégie peut être de le mettre à découvert avec un personnage, afin qu'un second personnage profite de cet avantage. Blesser un ennemi à découvert le fera tomber à terre : la Triple Menace devient alors possible. Mais pour la réaliser, il faut placer l'ennemi en question dans le triangle composé par les trois membres de l'escouade. Il n'y a alors plus qu'à déclencher l'attaque, qui au passage blesse tous les ennemis dans le triangle. Vous l'avez donc compris, le jeu consiste à faire les plus grands triangles possibles, pourquoi pas sur toute la carte, pour battre tous les ennemis très rapidement. Cette mécanique est amusante et incite effectivement à réfléchir, ce qui est l'objectif d'un jeu de stratégie : mission accomplie !

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Par-dessus cela s'ajoutent des tonnes d'autres features, que je ne vais pas détailler. Il y a des arbres de compétences que l'on peut heureusement remplir automatiquement. On peut également redistribuer les points. Il y a des Persona à fusionner que l'on peut équiper aux personnages afin d'avoir des boosts de statistiques et jusqu'à deux compétences en plus. Il y a aussi des bonus octroyés si un personnage n'a pas servi durant la bataille précédente, si un personnage n'a pas attaqué etc... Honnêtement, toutes ces bricoles rendent les mécaniques de jeu compliquées pour rien, et on peut totalement les ignorer, même si elles peuvent effectivement aider de temps en temps, notamment la Charge d'Erina qui permet de mettre au sol un ennemi à couvert, ou l'attaque Tension du héros pour les mêmes raisons.

Il y a plusieurs personnages disponibles, mais on n'est pas vraiment obligé de tous les jouer. D'ailleurs vu l'importance du déplacement, afin de faire les plus grands triangles possibles pour la Triple Menace, il m'a paru évident qu'utiliser des personnages avec un grand déplacement était un avantage. J'ai parfois réussi à finir en deux tours des batailles où on me récompensait si je finissais en 7 tours ou moins... Mais d'autres stratégies sont certainement viables. Il y a également des modes de difficulté supplémentaires, et le mode Normal était extrêmement facile de mon point de vue.

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Le digne héritier des petits projets disparus ?

Après l'arrêt de la 3DS, les petits projets originaux, en 240p, n'avaient plus vraiment lieu d'exister. On a assisté à leur disparition brutale. Plus de Strange Journey, Radiant Historia, Etrian Odyssey Untold (on a quand même eu le droit à un vague effort sur ces titres récemment) ou encore les Persona Q. Persona 5 Tactica vient prendre le relai, avec un plus petit jeu et un budget indiscutablement plus faible, même si on doit certainement dépasser ces titres 3DS...

La présentation est ici très simple. Des images fixes avec les personnages qui discutent, et des combats dans une 3D digne de la Dreamcast. L'ensemble est propre et fonctionnel. Pour les petites scénettes (très nombreuses au passage) il est bien dommage d'avoir flouté les décors (plutôt jolis d'ailleurs). Profitez donc des deux premières secondes, car ensuite vos yeux resteront bloqués sur le léger flou permanent. Les menus sont plus posés que dans Persona 5, et c'est un soulagement. La lisibilité c'est important.

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Au niveau de l'expérience utilisateur, le titre est donc d'un bon niveau, avec des fonctionnalités bien pratiques, notamment la possibilité de refaire le dernier tour si on n'est pas satisfait du déroulement. Les différents menus dans la Chambre de Velours sont également fonctionnels, même si j'aurai aimé pouvoir fabriquer des armes à partir des Personas du compendium, et ce même si je possède le Persona qui va bien. Pour la simple est bonne raison que je ne veux pas sacrifier ma Persona équipé, et qui possède peut-être une compétence que j'aime bien. De même, on ne peut pas vendre les armes au magasin. On s'en sort tout de même, mais une gymnastique est nécessaire. Prenez bien le temps de forger des armes au passage, elles sont beaucoup plus fortes que celles de la boutique (notamment leur portée).

Dans le registre des autres petites choses pénibles, il y a eu de nombreuses fois où je ne pouvais pas dézoomer suffisamment sur la carte. Je me suis retrouvé à galérer avec des rotations pour voir difficilement les ennemis pris dans le triangle à l'autre bout du champ de bataille. Offrir une vue basique ponctuelle (via un bouton), de toute la map, orientée Nord, c'est essentiel dans un jeu de stratégie. Surtout que les cartes sont petites, donc ça ne présente pas de grosse difficulté technique.

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Du côté de la partie sonore, c'est une fois encore du bon boulot, avec des thèmes vraiment entraînants. Difficile de ne pas se mettre à bouger la tête en rythme sur certaines batailles. Par contre il y a une chose qui m'horripile, c'est le fait qu'il faille constamment un PNJ pour dire au joueur “c'est bien ce que tu fais”, “oui génial”, “excellente planque”, “continue comme ça”. Toutes. Les. Deux. Secondes. C'est insupportable. On a compris qu'il faut faire des jeux toujours plus faciles et rassurer le joueur, mais il faut absolument arrêter de faire parler des personnages dès qu'on fait quelque chose. Idem dans les menus de la Chambre de Velours. Lavenza commente le moindre déplacement dans le menu. Et donc elle se coupe elle-même la parole. Qui se coupe lui-même la parole dans la vraie vie ? Au secours... Il faudrait proposer un mode “aseptisé” à ces jeux, pour les vieux cons dans mon genre (et je n'ai pas encore 40 ans au passage...).

Persona 5 Tactica : un développement stratégique, un achat stratégique

Finalement, ce jeu est-il bien ou pas ? La réponse est oui. Jusqu'à la fin du second royaume. Après c'est moins bien, mais ça va quand même. Je ne dévoilerai pas la fin du jeu (que j'ai terminé en une trentaine d'heures) pour ne pas me faire assassiner par des ninjas, mais les deux derniers royaumes m'ont franchement déçu. Tout d'abord le lieu du troisième royaume: après les deux premiers, réellement enchanteurs, on revient sur un environnement japonais d'une triste banalité (pour la partie “scénettes”). Les combats quant à eux sont tous dans un décor magmatique moche. Et pour le quatrième royaume, rebelote. Tout se passe dans un unique décor froid, gris et moche. Avec en plus un recyclage de tous les ennemis, features et boss du jeu : l'horreur.

Dans cette seconde moitié du jeu, j'ai réalisé à quel point la formule s'essoufflait. Pourtant, le troisième royaume propose à peine 7 batailles contre une vingtaine dans le premier et dix ou douze dans le second, il est donc bien plus court. Et surtout, dans les deux premiers royaumes, les environnements changeaient régulièrement : c'était fun ! En plus de cela, le thème devient subitement plus sombre, et les personnages avec d'énormes têtes ne sont pas franchement un très bon vecteur de “drama”. Voir un tel personnage se vider de son sang, ça n'est pas franchement émouvant, mais plutôt ridicule/comique. D'ailleurs les développeurs le savaient, car il y a une autre scène plutôt sérieuse, et à ce seul moment dans tout le jeu, le design du personnage devient “réaliste” (et très beau d'ailleurs). Mon sentiment est qu'il y a eu un petit problème quelque part durant le développement. Il fallait boucler le dev je suppose ! Atlus ont fait au mieux, mais l'expérience perd en cohérence passé à la moitié, et le contenu semble avoir été coupé/réduit pour finir plus vite. De mon point de vue, il aurait fallu rester sur des tons plus légers et continuer d'envoyer de la musique qui balance.

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Peut-être que cela aurait été possible... si un contenu conséquent n'avait pas été gardé comme DLC de lancement ? Tandis que je jouais au jeu, je ne savais même pas qu'il y avait ces DLCs. Je suis allé voir les news après la moitié de ma partie, quand ça a commencé à être moins bien, et là, qu'ai-je découvert ? Stupéfaction. Des personnages principaux de Persona 5 gardés de côté (je me demandais quand j'allais les rencontrer...), un environnement avec de la peinture/des tags qui a l'air bien fun... tout ça bloqué derrière un DLC disponible au premier jour ? Et de mon côté, je me retrouve avec une seconde moitié de jeu décevante ? Je ne crois pas être un génie en disant qu'il aurait certainement été possible de faire une meilleure seconde moitié de jeu en évitant de perdre du temps sur des DLCs day-one, possiblement rendus attrayants au détriment du jeu principal. Si c'est vraiment ce qu'il s'est passé, et bien c'est nul.

Persona 5 Tactica commence vraiment bien. On s'éclate dans le premier royaume. On s'éclate dans le second royaume. Et soudain, ça devient tristounet. Plus aucune variation dans les environnements, moins de batailles, et un dernier royaume qui va résoudre tous les problèmes d'empreinte carbone de la planète, au risque de lasser le joueur. A côté de ça, des DLCs day-one qui font plutôt envie, avec des personnages et au moins un environnement inédits. Comment en sommes-nous arrivés là ? Même si le jeu est clairement bien fini, et que les mécaniques fonctionnent, il m'est difficile de le recommander à plein tarif vu la pratique de DLC day-one et la seconde moitié mollassonne.

Verdict

7

Points forts

  • Réalisation propre et efficace
  • Beaucoup de features de qualité de vie
  • Excellentes musiques
  • On s'amuse beaucoup...

Points faibles

  • ...sur la première moitié
  • Le ton grave peu adapté au style visuel
  • Les persos qui ne se taisent jamais
  • Le recyclage des enfers dans le dernier royaume
  • Pratique de DLC scandaleuse
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Commentaires

Merci pour ce très bon test ! Encore un jeu qui aurait gagné à être plus court, ou à ne pas arnaquer le joueur avec ses DLC...