Test : Shin Megami Tensei : Strange Journey Redux (Nintendo 3DS)

Je n'aime pas les dungeon-RPG, leurs déplacements case par case, leurs combats longs et mous, l'animation minimaliste d'un bon paquet d'entre eux, et la claustrophobie d'être systématiquement enfermé dans des souterrains. Le genre fut pour moi totalement dépassé avec la sortie de Catacomb 3D. Cela peut paraître étonnant de comparer le premier FPS avec un type de RPG, mais pas tant que ça quand on connaît le passé rôliste des deux John et leur envie de dynamiser un genre. Bref, l'idée de tester un jeu dans le genre ne m'enchante guère et ai décliné les offres qui m'avaient été faites jusqu'à présent, pour laisser Shenron vagabonder dans les labyrinthes bucoliques de Etrian Odyssey.

Par contre, j'aime beaucoup l'ambiance des séries Shin Megami Tensei, la possibilité d'écraser une énième fois Horkos et toutes les saloperies sorties de la Géhenne, ou bien de reformer mon groupe de Moires et changer le destin du monde en coupant les fils au moment voulu, à moins qu'une déité facétieuse n'intervienne et me fasse plier à sa volonté.

Alors me voilà avec une cartouche qui est à la foi un D-RPG et un Shin Megami Tensei, vous la voyez la contradiction? Les Dieux sont joueurs, commençons.

L'étrange journée de Mr Jack

Petits conseils pour commencer : ne regardez pas la vidéo d'intro, ça vous divulgache pas mal d'événements du jeu. Plus sympa, vous pouvez peut-être encore trouver sur le net Synchronicity Prologue, un petit MetroidVania qui nous permet d'incarner les petits Jack, simple et efficace pour se mettre dans le bain, et maîtriser la langue de Leiji Matsumoto n'est pas indispensable pour comprendre les grandes lignes et progresser dans le jeu.

Pour le reste, on va faire sobre.

20XX : le réchauffement climatique fait des ravages, et comme si la fonte des glaces n'était pas suffisante, une sorte de sphère noire se développe au-dessus de l'Antarctique et commence à grignoter du terrain. La communauté internationale commence à suer à grosses gouttes à la vue de ce nouveau phénomène qui menace le reste du globe.

Du coup, une équipe d'élite équipée du top de la technologie est dépêchée sur place pour étudier le Schwarzwelt, petit nom donné à cette grosse bulle noire qui grossit dangereusement. Bien sûr, vous faites partie du voyage, et bien sûr tout cela va mal tourner une fois que les démons vont s'inviter à la fête. En même temps, c'est chez eux que ça se passe, autre monde, autres règles...

You are the real démons !

On commence donc notre périple dans une ambiance qui doit autant à 2001 L'odyssée de l'Espace qu'à The Thing de 82, Aliens et la SF des années 50. Dit comme ça, ça paraît étrange et bah, c'est voulu et le mélange fonctionne très bien : on est dans l'inconnu, et on nous le fait clairement sentir.

Musicalement on a toujours affaire à une très bonne OST, les donjons baignent dans une ambiance tribale avec cuivres et percussions, accompagnés de chœurs pour signifier la présence des démons. Les combats abandonnent les percussions pour les violons, toujours ou presque avec des cuivres, dans un style plus fanfare, décisif et solennel, par contre pas de Cathedral of Shadow avec son orgue électronique que j'apprécie tant lors des fusions. Le vrai bémol vient plutôt de la répétitivité, avec un ou deux morceaux par donjon, plus ceux des combats, et vu le temps que l'on est mené à passer à arpenter les dédales, aussi bonne soit la composition, elle finit par tourner en rond (ha ben comme nous).

Graphiquement, il y a une petite mise à jour entre la version DS et cette version 3DS : rien de révolutionnaire, mais ça ne pixellise pas aussi violemment, ce qui fait que l'on profite un peu plus de la direction artistique. Bon, c'est principalement lors des dialogues et des combats avec des artworks joliment animés, (mieux que dans SMT IV Apocalypse de mémoire), beaucoup moins lors des déplacements où on a les yeux rivés sur la carte, malgré des décors soignés dans lesquels on peut parfois voir un avion voler au loin, ou d'autres petites animations du genre qui rendent les lieux moins figés. Chaque zone ayant son ambiance propre en lien avec la thématique centrale, ne vous attendez pas à voir uniquement des cavernes de glaces.

Pas d'utilisation de la 3D en jeu, même pas pour faire semblant lors des cinématiques, le tactile se limite à déplacer la carte sur l'écran du dessous, et ça, c'est indispensable vu la complexité de certaines.

L'adaptation américaine est un cran en dessous de d'habitude, avec de l'argot redneck bien crade pour à peu près tout le monde, que ce soit le militaire à la prononciation de yakuza, ou le démon avec l'accent du kansai. Car oui, les voix sont en japonais, et pour peu que vous ayez quelques notions, vous remarquerez que votre protagoniste a changé de nationalité avec la traduction (on passe de japonais à américain). Rien de dramatique bien qu'à l'occasion des erreurs se sont glissées lors de missions annexes. Petit détail trivial qui m'a fait sourire, les développeurs semblent très fiers de l'une de leurs cinématique, et nous la resservent régulièrement.


Demeter minée

Comme déjà évoqué dans l'intro, nous avons affaire à un D-RPG, l'exploration est le maître mot, et vous allez manger du Km croyez-moi. Si le premier donjon est un gentil avant goût, la suite va devenir plus ardue. Chausse-trappes, portes à sens unique, chemins cachés, sols piégés, couloirs plongés dans l'obscurité, switchs à activer, téléporteurs, ennemis particulier ou trésors à scannrt et j'en passe, dans de véritable dédales à plusieurs étages, voire avec des cartes parallèles. Le dernier donjon étant littéralement un labyrinthe où l'on s'attend à voir surgir un Minotaure à chaque coin de couloir.

Bon, tout ne vous est pas forcément hostile, et vous trouverez des points de restauration pour vous remettre à neuf, ainsi que les points de sauvegarde, qui servent aussi à rejoindre la sortie du donjon, ce qui économise un peu de temps. Les environnements sont peu nombreux, mais vous allez tout de même errer longtemps dans ces lieux, soyez prêt, il y a beaucoup à y faire, le gros du jeu s'y déroulant.

Au fur et à mesure que vous vous déplacez sur une carte, l'icône de recherche en haut à droite de votre écran passe progressivement du vert au rouge ; quand il est bien écarlate, le combat est imminent. L'affrontement lancé on est en terrain connu à quelques détails prêts. Atteindre les faiblesses élémentaires, en plus de faire de plus gros dégâts, vous permet de faire une action co-op selon l'affiliation des membres de votre équipe. Si par exemple vous vous entendez bien avec vos trois démons, chacun portera un coup supplémentaire à l'ennemi visé, ce qui peut être encore plus dévastateur. En revanche, vous ne ferez pas perdre un tour à l'adversaire.

La négociation est toujours de rigueur, et plus complète que d'habitude. L'alignement de votre avatar est pris en compte en plus de son niveau, ce qui vous interdit de recruter tout ce qui bouge. Et il est impossible de dialoguer avec un ennemi totalement inconnu (représenté par un tas de voxels en lévitation) ou lors de la pleine lune (même si il y a une application pour ça). Une fois que la conversation est lancée, il va falloir être convaincant, comprendre leurs demandes, personnalités etc. Il y a pas mal de choix de réponses à des questions variés, un peu comme un entretien d'embauche, les "on vous rappellera plus tard" en moins, et les bourre pif en plus.

Cela donne des combats plutôt pêchus et tactiques. Si vous pouvez faire subir de terrible dommages à l'ennemi, il n'est pas en reste et peut balayer votre équipe tout aussi efficacement. Et le recrutement de nouveaux équipier est une phase plus satisfaisante que d'habitude, vu les possibilités de retournement de situation.

J'avais fait mention de l'alignement un peu plus haut : au début du jeu vous aurez un petit questionnaire à passer. Une fois les réponses apportées, cela définira votre classe en temps que soldat, votre alignement justement, et probablement les options de dialogue à certains moments. Cela influe sur les démons recrutables mais aussi sur votre progression dans l'histoire. Le jeu proposant plusieurs fins, il va falloir passer par le new game + pour bien exploiter tout ça et mieux comprendre les tenants et aboutissant de l'histoire.

Quand vous n'êtes pas en train d'affronter les environnements hostiles du Schwarzwelt, vous êtes dans le vaisseau pas si solide qui vous sert de base. Les divers ponts de celui-ci servent de menus de luxe pour faire diverses actions allant de la simple sauvegarde à la création de nouveaux équipements, ou la validation de fin de missions. Ce qui fait beaucoup d'allers-retours pour simplement récupérer de la vie ou acheter de nouvelles applications. Les applications justement sont séparées en deux catégories : les principales, qui sont de simples clés pour progresser un peu plus loin dans le jeu et que l'on obtient en suivant le scénario, puis les secondaires qui apportent des bonus bien pratiques à votre combinaison Demonica :regain de vie en se déplaçant, bonus monétaire après une fructueuse discussion d'avec un démon et j'en passe.

Les autres menus, à la représentation classique ce coup-ci, sont accessibles via le bouton Y à tout moment, et permettent les actions les plus couramment utilisées, notamment les fusions, qui se déroulent de la manière habituelle pour la série. Notons tout de même qu'il faut connaître un démon au niveau maximum pour l'invoquer sans passer par le sacrifice d'autres, c'est l'argent qui sera utilisé à la place et ça simplifie certaines manips, comme éviter de courir dans un donjon pour chercher la bestiole manquante afin d'avoir la créature souhaitée.

L'utilisation de mots de passe est aussi possible, mais pas des plus pratiques vu la longueur de ces derniers ; on se croirait revenu à l'époque des codes de validation au fond d'une boite de jeux PC. Le bestiaire est comme à chaque fois bien garni, et on peut toujours se créer son équipe comme bon nous semble.

C'est une étrange journée qui s'achève

Alors que vaut Shin Megami Tensei Strange Journey Redux ? Bien qu'étirant un peu trop sa durée de vie en nous perdant dans des labyrinthes laborieux à faire des allers-retours pour l'augmenter artificiellement, avec des combats parfois bien punitif et ce, dès le début du jeu, le titre tient sacrément bien la route avec une réalisation technique, du contenu, une ambiance qui font plaisir. Le fait de devoir grinder comme un sale pour pouvoir passer un boss, le tout dans des environnements gigantesques, a tendance à entamer la patience.

Ceci dit cela permet de bien profiter du système de jeu, et c'est cohérent avec ce que l'on est censé traverser dans ce dernier. Nous sommes chez les démons, on doit se plier plus que jamais à leurs règles, et s'en sortir vivant n'en fait pas toujours partie. La lutte est âpre et pouvoir invoquer un boss une fois que l'on a vaincu ce dernier laisse toujours un rictus de satisfaction au coin des lèvres, et on se laisse donc tenter par une nouvelle partie pour approfondir un peu plus tout ça.

Est-ce que ça me réconcilie avec le genre D-RPG? Non, toujours pas, et ma préférence pour vider une salle de ses cyber démons, se fera toujours à coup de fusil à pompe en straffant. En revanche si vous appréciez les Dungeon-RPG, au point d'explorer chaque mètre carré, augmentez d'un point la note du jeu et on est bon.

Verdict

7

Points forts

  • L'ambiance toujours
  • L'OST
  • Voix japonaises
  • C'est long

Points faibles

  • Durée de vie allongée artificiellement
  • Grind abusif
  • Traduction pour américains
  • C'est long

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