Test : Persona 5 Strikers (PC, PS4, Switch)

Après les dungeon crawlers, après les jeux de combat, après les jeux de rythme, voici que la série Persona s’essaye à un nouveau genre : le musou, aka “les jeux à la Dynasty Warrior”, à ceci près que ça fait un bail que le genre est réservé à des franchises issues de l’animation japonaise, ou même d’autres séries de jeux vidéo, avec les récents Zelda. Et pourquoi pas après tout ? Les épisodes dédiés à One Piece et Gundam avaient démontré que le genre pouvait s’appliquer à beaucoup de licences différentes, surtout quand leur lore était conséquent. La question est : est-ce le cas pour Persona 5 ?

Petit rappel de ce qu’est un musou, car c’est la première fois qu’une série de Sega s’y adonne : il s’agit de beat’em up à très grande échelle, dans lesquels on affronte des dizaines, voire des centaines d’ennemis à la fois, sur des maps composées d’arènes fermées reliées entre elles par des zones de couloir. On doit en général accomplir un objectif pour terminer la map, parfois en un temps limité, et souvent avec des mécaniques de domination de territoire. Parmi les ennemis se glisse parfois un adversaire plus fort, qui nécessite de faire preuve d’un peu de stratégie pour le vaincre.  La force des musou est le gigantisme franchement jouissif des combats et, comme je le disais plus haut, le fan-service dont ils font souvent preuve, en permettant d’incarner des dizaines de protagonistes différents. 

Vraie suite, mais en mode vanilla
 

Ce n’est pas le cas dans Persona 5 Strikers, puisqu’on dirige uniquement notre petite équipe de Voleurs Fantômes, qui se reforment quelques mois après la fin de Persona 5, à l’occasion des vacances d’été. Persona 5, vous dites ? Mais quid du Royal ? Et bien Persona 5 Royal, apparemment, n’est pas canon, car il n’est pas fait mention des personnages rencontrés, ou de ce qu’on y a vécu. De même, si vous avez maxxé vos relations avec vos amis, vous serez étonnés de ne pas retrouver leurs évolutions de Persona, ou même la moindre mention d’une romance avec une de vos partenaires féminines. Vous êtes ami avec tout le monde, ni plus ni moins.

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Nos voleurs s’apprêtent donc à partir en voyage pour les vacances d’été, quand ils se rendent compte que l’Idol du moment, Alice, provoque un engouement trop spectaculaire pour être normal. Ses fans dépensent sans compter pour elle, et larguent même leurs petites amies. Ils se rendent compte qu’en utilisant l’application EMMA, sorte de SIRI mais en beaucoup plus puissante, ils peuvent pénétrer dans sa Prison, dans laquelle elle amasse les désirs de ses fans pour en faire ses esclaves dans le monde réel.  Nos amis, aidés par Sophia, l’IA de EMMA, vont donc l’arrêter, avant de partir dans un road trip à travers tout le Japon, pour trouver d’autres Monarques qui, comme elle, manipulent les foules à leur avantage.

La structure du jeu est semblable à celle de P5, puisqu’on passe beaucoup de temps dans le monde réel à se promener en ville, faire des emplettes, et à discuter avec nos amis, entre deux infiltrations dans les Palai...heu, les Prisons. Cependant, puisqu’on est déjà BFF avec nos partenaires, et qu’on a maximiser nos compétences sociales, les activités annexes ont purement et simplement disparu : plus de sorties au restaurant ou de petits boulots : si on peut encore se promener, c’est juste pour admirer les reconstitutions des villes japonaises traversées, et pour faire des emplettes. Les interactions avec les autres voleurs se limitent à de très nombreux dialogues, qui font clairement tendre le jeu vers le Visual Novel. Ce n’est pas désagréable (et en ces temps de restrictions de déplacement, c’est toujours agréable de flâner à Sapporo ou Osaka), et les dialogues sont très vivants (merci à la traduction française qui est de très bonne facture), mais si vous êtes allergique au genre, vous risquez de trouver le temps long. Et même si vous êtes client, on perd clairement au change par rapport à tout ce que proposait P5.

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Heureusement pour les allergiques à lalecture, il est possible d’accélérer et même de passer les dialogues. L’intrigue est assez classique et reste dans la veine de celle de P5, mais la nature des Prisons et la motivation des Monarques sont suffisamment différentes de ce qu’on a connu précédemment pour maintenir l’intérêt. Les rebondissements sont parfois attendus, toujours réjouissants, et parfois assez émouvants, et le jeu ne manque pas de mettre un petit taquet au passage aux institutions.

Wake up, get up, kick some ass
 

C’est lors des phases d’infiltration dans les Prisons que les différences avec P5 sont évidemment les plus importantes, puisqu’on passe de combats au tour par tout à du beat’em up, tout en conservant certains fondamentaux : notre équipe se compose toujours de quatre membres (qu’on peut modifier à tout moment, sauf durant les combats), on on voit toujours les ennemis sur la map, ce qui permet de les éviter ou de leur tendre une embuscade pour prendre l’avantage au début du combat. C’est une fois le combat engagé que tout change : on combat en temps réel, en utilisant des combos, dont les effets dépendent de sa longueur, et du personnage choisi. Conclure un combo par un coup fort invoque en général notre Persona, qui utilisera une compétence de son arsenal, sans pour autant que cela coûte des points de magie (PM). 

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De plus, chaque personnage a ses propres compétences bien à lui : Haru peut prolonger ses attaques en maintenant le coup fort, Ryuji peut au contraire charger ses coups, Ann peut enflammer son fouet… Une bonne connaissance des ces skills est importante pour bien gérer les situations durant lesquelles on affronte énormément d’ennemis, tandis que la composition de l’équipe est cruciale surtout quand on affronte un ennemi un peu plus coriace que les autres, et surtout un boss. Se pointer à un affrontement avec une équipe qui n’a pas les bonnes Persona peut rendre le combat très pénible, voire perdu d’avance, malgré l’apparition des “Sprints Fantômes”, qui permettent d’utiliser des éléments du décor pour attaquer les ennemis, le plus souvent avec les éléments auxquels ils sont vulnérables.

Joker, quant à lui, peut toujours stocker plusieurs Persona, et en changer à volonté durant le combat, ce qui en fait le couteau suisse de l’équipe, et permet de compenser une éventuelle faiblesse de notre roster. On peut ensuite changer de personnage à volonté en cours de combat, d’une simple pression sur la croix de direction. Mieux encore, le jeu reprend le système de Baton Pass de P5 : après un coup critique, on peut soit enchaîner avec une attaque bonus (“Encore”), soit passer le relais au partenaire qui nous sollicite, et qui va réaliser une attaque bonus au passage. Pour peu que votre équipe ait la bonne composition, vous pouvez parfois enchaîner 3 “Encore”, pour maximiser les dégâts, et accélérer le remplissage de votre jauge de Special. Celle-ci se remplit au fil de vos attaques, et permet, une fois complète, de lancer une attaque de zone dévastatrice. 

Globalement, l'IA des coéquipiers est plutôt bonne. Ils utilisent les bonnes attaques sur  les bons ennemis sans dilapider leurs PM, ne se mettent pas en danger inutilement, et se soignent (et nous soignent !!) à bon escient. On peut sans problème se concentrer sur le combat sans avoir à les baby-sitter en permanence. Les premiers combats sont assez bordéliques, à cause de la profusion d’informations à l’écran, mais on doit avoir pris le pli à la fin de la première Prison, même si certaines informations restent malheureusement peu lisibles. Si on voit bien qui dans notre groupe souffre d’une altération, on ne peut pas en dire autant des ennemis. Pour les buffs et débuffs, c’est encore pire : dans le chaos général, on n’arrive guère qu’à voir ceux du personnage qu’on dirige . Heureusement, le changement de Persona ou l’activation de leurs capacités se fait grâce à un système de pause active, ce qui permet de réfléchir relativement tranquillement à notre prochaine action. 

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Comme dans tout musou qui se respecte, nos personnages gagnent des niveaux d’expérience au fil des combats, mais en dehors de quatre skills rapidement débloquées, on ne gagne pas de coups supplémentaires. Seules nos Persona gagnent des compétences. Joker peut également aller dans la Velvet Room pour créer de nouvelles Persona à l’aide de fusions, ou renforcer celles qu’il possède, mais ça s’arrête là. Les combats sont donc plutôt répétitifs, ce qui est habituel dans un musou, mais ici ce n’est pas compensé par une profusion de personnages dotés de styles de combat parfois très différents. On doit se contenter au plus de 10 membres différents dans notre petite équipe, et fatalement, on a vite fait le tour de ce que le système de combat peut proposer. Il est également regrettable, en plus de ne pas pouvoir changer de partenaires au cours d’un combat, que ceux qui sont sur la touche ne gagnent pas du tout d’expérience. Les Persona sont en général sensibles aux mêmes 2 ou  3 éléments dans une même prison, on est donc incité à garder plus ou moins la même composition d’équipe lors d’une infiltration. 

50% Persona, 50% Mussou, mais 100% quoi ?

Le jeu n’est pas très difficile en Normal, et on n’a pas vraiment besoin de grinder pour augmenter son niveau, et les combats ne sont pas franchement stratégiques. Si vous aviez l’habitude de manier les buffs et debuffs durant les combats de boss de P5, vous pouvez toujours la garder, mais ce n’est vraiment plus nécessaire. Si malgré tout vous voulez faire un peu de leveling, vous pouvez accomplir des requêtes annexes, qui deviennent disponibles soit à des moments clé de l’intrigue, soit en parlant à un coéquipier au bon moment (on peut donc en rater certaines), et qui sont autant de prétextes pour retourner dans une Prison déjà visitée. Il faudra parfois tuer un certain nombre d’ennemis d’un certain type, trouver un objet en particulier, ou atteindre un endroit précis sans augmenter le niveau de sécurité. C’est l’occasion de faire progresser le niveau des coéquipiers qu’on avait négligés lors d’un premier run, d’obtenir de l’argent et des objets, et de débloquer des niveaux de Lien supplémentaires, pour obtenir des bonus de compétences divers et variés. 

Les habitués des musou seront également surpris de voir aussi peu d’ennemis à l’écran en simultané. S’il arrive qu’on en affronte plusieurs dizaines lors de combats particuliers, la plupart du temps on doit se contenter d’une petite dizaine d’adveraires par combat, ce qui est bien en-dessous des standards du genre. Là encore, on est dans un entre-deux, entre les affrontements stratégiques de P5, et le démesure des musou.

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Le jeu comporte encore plusieurs autres petites subtilités, que je ne vais pas détailler ici, mais globalement on peut dire que la recette Persona a été bien adaptée à ce nouveau genre. Elle est juste à la fois trop riche, et paradoxalement, trop limitée, pour empêcher une certaine routine de s’installer. Heureusement, le jeu est bien plus court que Persona 5 (comptez une quarantaine d’heures en Normal), et le scénario est suffisamment entraînant pour maintenir l’intérêt du joueur, au point qu’on regrette de ne pas pouvoir davantage profiter des villes visitées pour faire quelques activités annexes.

Techniquement, le jeu fait un peu plus “current-gen” que Persona 5 (qui était, rappelons-le, cross-gen PS3/PS4), sans que le bon qualitatif soit flagrant. Cela dit c’est propre, toujours aussi stylé, et sur un PC de jeu correct, le jeu tourne en 1080p/60fps en High, et même en 4K/30fps sans trop tousser. En revanche, pour jouer en 4K/60fps, il faudra une machine plus costaud.

Sur PS4, le jeu propose un mode “Graphismes” et un mode “FPS” : sur PS4 classique, le mode “FPS” baisse la résolution à 900p, ce qui semble inutile puisque le mode “Graphismes” tourne déjà à 60fps stables. Sur PS4 Pro, le mode “FPS” limite la résolution à 1080p, ce qui est là encore inutile (sauf peut-être dans les stages avancés ?), puisqu’en mode “Graphismes”, à 1440 ou 2160p, le framerate est également stable à 60fps.

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Sur Switch en revanche, c’est la Bérézina, puisque même docké, le jeu tourne en 900p/30FPS, est un peu moins détaillé, et sans anti-aliasing par-dessus le marché, ce qui n’est pas très agréable. 

Le gros point fort au niveau artistique réside toujours du côté des musiques, et surtout des chansons, qui viennent majoritairement de Persona 5, mais avec quelques nouveaux morceaux tout aussi chouettes. Impossible de se lasser des compositions de Shoji Meguro et de la voix de Lyn Inaizumi, même au bout des 40 heures nécessaires pour terminer le jeu. Même les musiques accompagnant nos visites dans les différentes villes traversées sont des plus entraînantes, et restent longtemps en tête une fois la console (ou le PC) éteint.

Persona 5 Strikers réussit à combiner les éléments des musou et de Persona 5 de façon cohérente, mais malheureusement pour cela il doit abandonner une partie de ce qui fait l’essence de chaque série. On se retrouve donc avec un  jeu un peu hybride, qui ne brille ni par son système de combat, ni pas son mode aventure, mais qui reste malgré tout plaisant et pas prise de tête, surtout si vous êtes déjà fan de Persona 5, de ses personnages et de son esthétique. En revanche, privilégiez si vous le pouvez les versions PS4 et PC, qui sont plus agréables à jouer.

Verdict

7

Points forts

  • Le style de Persona 5
  • Synthèse cohérente de Persona et des musou
  • Scénario et personnages bien écrits
  • Excellente version française
  • Combats amusants malgré tout
  • La petite visite du Japon fait du bien

Points faibles

  • Combats de faible envergure pour un musou
  • Pas assez lisible pour exploiter toutes les possibilités d’un Persona
  • Pas d’activités en ville en dehors des boutiques
  • Peu de variété dans les combats
  • Technique à la traîne sur Switch
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Commentaires

Merci pour ce test. Je n'ai fait aucun épisode de la série. Peut être un jour quand il sortira sur le gamepass :D
Bizarre par contre les modes "fps" et "graphismes" qui n'ont aucune utilité... Et puis la switch, toujours complètement largué. Il est temps que Nintendo sorte une console digne de ce nom pour adapter les jeux tiers.
Je me demande si ce n'est pas systématique sur PS4 Pro, mais comme le jeu est peu gourmand, ben dans les deux cas on reste à 60fps. Sur PS4 normale, en revanche je ne me l'explique pas.
La Switch c'est vraiment un sketch pour tous les gros jeux "console de salon".
Et vu la taille des textes, j'imagine même pas de passer 40 heures à lire ça sur Switch Lite.

C'est vraiment une aberration cette machine. Une expérience "portable" pourrie, une expérience "salon" pourrie. Le pire des deux mondes...
et pourtant elle se vend par wagon entier... Ca va pas aider à faire comprendre à Nintendo l'intérêt d'avoir une machine qui tienne la route. Vu le prix de la switch (le même qu'une Xbox Séries S à peu de chose prêt), ils vont pas se priver de continuer sur cette voie.
Après franchement ce n'est pas dramatique d'y jouer sans avoir joué à P5, le système de jeu et le scénario se suffisent à eux mêmes. Mais le jeu ne prend pas la peine de développer ses personnages et se repose sur les acquis de P5, donc tu y perds à ce niveau.