Test : Total War Saga : Thrones of Britannia (Windows, Mac, Linux)

La guerre totale ne change jamais. Que l'on dirige des bandes de chevaliers médiévaux, des orks ou des paysans du pays de Galles, rien ne ressemble plus à un Total War que l'opus qui lui succède. Le théâtre des opérations évolue, d'autres fleuves, marais et montagnes le dessinent, mais le destin des peuples sera toujours de s'entretuer pour des provinces, des ressources et de l'or. Nous voilà désormais plongés dans la Grande Bretagne du IXème siècle, entre l'expansion des anglo-saxons, la résistance des peuples celtes et la grande invasion viking.

Quand traverser la rue ne suffit pas

Résumons rapidement le gameplay de la série pour les nouveaux venus, attirés par la mode viking : il s'agit d'un jeu de stratégie en tour par tour où l'on gère ses villes, villages et forteresses dans l'unique but d'entretenir ses armées et fracasser en toute courtoisie tous ces malandrins qui eux aussi veulent dominer le monde. La constitution de ces armées connait dans Brittania un véritable renouvellement, une fois n'est pas coutume. Jusqu'ici dans la série, il fallait, pour enrôler des soldats, avoir les ressources nécessaires et éventuellement avoir débloqué la technologie correspondante. Mais Brittania apporte une nouvelle limitation : la disponibilité de chaque type de troupe. Ce qui signifie que vous ne pourrez pas toujours constituer vos armées comme vous le souhaitez ; si aucune unité d'archer n'est prête au combat, ce qui peut arriver si vous avez vidé le stock récemment, il vous faudra vous débrouiller sans.

Une autre nouveauté vient égayer cette phase de recrutement, la gestion de la nourriture. Creative Assembly s'est enfin souvenu qu'un soldat ne fait pas que tuer, piller et violer ; il mange aussi. La production alimentaire de vos provinces n'impactera plus uniquement la croissance démographique de vos provinces mais viendra parfois vous limiter dans vos ambitions. De quoi complexifier encore votre boulot de DRH. Enfin, on est également limité en nombre total d'unités par la taille de son empire. Si au début on peut avoir l'impression qu'il sera difficile d'avoir une grosse armée, on est rapidement rassuré et au bout de quelques temps on en dirige même plusieurs. Le nombre d'unités qu'il est possible de rassembler sans malus est conditionné par le nombre de cités possédées, mais c'est un Total War, on est là pour s'étendre en s'essuyant les bottes sur la gueule de nos ennemis, c'est donc un problème rapidement contourné. Par contre les malus en cas de dépassement de ce nombre sont très violents et peuvent complètement retourner une situation.

Divisions et factions

Les peuples se disputant le trône de Bretagne sont au nombre de quatre, déclinés en deux versions (aux conditions de départ servant de niveau de difficulté). Vous pourrez vous retrouver à la tête des anglo-saxons, des celtes (Irlandais ou Scots), des Gallois ou des vikings.

Historiquement, cela se passe juste avant l'invasion de la grande armée viking qui viendra s'installer dans l'Est de l'île. En termes de gameplay, les anglo-saxons demanderont par exemple de savoir gérer ses paysans pour s'étendre sans limite, les Gallois se verront proposer des missions spécifiques pour améliorer leur développement, et l'économie des vikings repose en partie sur les esclaves capturés lors des pillages et des batailles. Les différences sont cependant bien plus limitées qu'entre deux races de Warhammer, surtout au niveau des armées où, si les archers des uns ou les lanciers des autres disposent de bonus, on se retrouve globalement avec le même type de troupes. Mais les conditions de victoire sont tout de même spécifiques à chaque faction, conservant cette rejouabilité qui reste un des points forts de la série. A titre personnel je suis moins emballé par l'idée de recommencer la conquête du pays du pudding sous une autre bannière ; peut-être est-ce la faute au contexte historique qui me parle moins ou à ces différences plus maigres entre les factions.


Un tout petit breton

Une des premières choses qui frappe dans Brittania, c'est la taille de la carte. Les villes et provinces semblent être distantes de centaines de kilomètres, vu le temps que mettent nos soldats à parcourir les campagnes. Ou alors, tous les habitants du coin faisaient 1m20 et chevauchaient des poneys.
La conséquence est prévisible : les parties trainent en longueur, surtout au début lorsqu'on ne dirige qu'une seule bande qui va mettre plusieurs tours pour atteindre sa destination. Ce rythme n'aide pas non plus la poursuite d'ennemis, nous offrant de nouvelles scènes dignes de Benny Hill (géographiquement appropriées, pour le coup). De plus, le jeu gérant le passage des saisons, vous maudirez rapidement l'hiver dans le nord du pays pour sa capacité à vous immobiliser sous peine de voir vos troupes souffrir d'attrition (sauf si vous jouez une faction locale qui bénéficie d'un bonus de résistance au froid).

La mère de la guerre

Autre différence notable dans ce jeu par rapport à la série, la gestion des provinces. Elles sont toujours découpées en plusieurs territoires qu'il faut conquérir individuellement mais la plupart des choix de constructions sont maintenant limités à la "capitale". Les autres lieux se contenteront de proposer quelques spécialisations mais on ne pourra plus par exemple construire les casernes dans les villes secondaires de la province pour garder de la place pour les bâtiments les plus ambitieux dans la capitale. Bien que cela implique un nombre plus réduit de bâtiments, vous ne pourrez pas pour autant tout construire et vous devrez faire des choix ; difficile de parler de nouveauté quand il s'agit plutôt d'une autre approche des mêmes concepts.

Ce changement est accompagné par une gestion différente de l'économie, à base de revenus basés sur la production artisanale, minière, agricole, et de différents pourcentages de bonus accordés par certains bâtiments. Les choix de construction que vous ferez auront une importance décisive en début de partie et seront évidemment à harmoniser avec les caractéristiques de votre faction ou de vos besoins à court terme. Ces changements sont sympa à découvrir mais on se rend assez vite compte qu'une fois la méthode mise en place, cela devient surtout répétitif et chronophage d'améliorer ses bâtiments pour un gain qui devient marginal au fur et à mesure que l'on s'étend sur la carte. Une idée intéressante qui s'essouffle assez vite mais dont je salue l'initiative.


Forts en pommes ?

C'est pas tout ça, mais on est quand même là pour se taper dessus en toute médiévalité. Allons donc faire un tour sur un champ de bataille, histoire de voir comment ça se passe et ce qui a changé. Techniquement, c'est propre, joli, bien animé, un brin exigeant en ressources mais rien d'insurmontable pour une machine à jour. Et c'est à peu près tout ce que j'ai envie d'en dire, parce que c'est en gros un copié-collé d'Attila, avec ses nombreuses qualités et ses exaspérants défauts.

En tête de la liste des ratages, comme d'habitude, on trouve l'intelligence artificielle. J'ai cherché une façon polie de dire qu'elle est dépourvue de capacités cognitives, mais comme je n'en ai pas trouvé, on va se contenter de dire qu'elle est complètement conne. Sur la carte stratégique d'abord, avec ses déplacements aléatoires, cette absence de logique dans la construction de bâtiments ou son sens de la diplomatie qui n'est pas sans rappeler le barbare du Donjon de Naheulbeuk. Sur le champ de bataille ensuite, ce que je vais illustrer avec un exemple.

Lors d'un combat avec renforts qui se déroulait sur un pont, mon armée de renfort arrivait du côté de l'ennemi, j'ai donc pu tranquillement coincer le gros de ses troupes sur le pont avant que mes renforts ne viennent les fracasser par derrière dans une charge digne des meilleurs Dorcel ; combat avec environ 5000 hommes de chaque côté, ce qui a provoqué de jolis ralentissements en mettant ma 1060 à genoux. Peut-être encore plus vite que dans les précédents opus, j'ai abusé de l'option de résolution automatique des combats, ne voyant rien de particulier à leur reprocher si ce n'est leur manque d'intérêt sur le long terme.

Marmelade et déconfiture

Je vais passer rapidement sur les autres aspects du jeu : la gestion du clan est héritée d'Attila, ce qui n'est pas un mal ; il vous permet donc d'assigner aux hommes forts du clan le contrôle d'armées ou de provinces, ainsi que de domaines afin de s'assurer de leur loyauté. Rien de pire en effet que de voir son meilleur général se mutiner à la tête de notre armée principale. On peut notamment gérer les mariages afin de s'assurer de légers bonus, mais l'ensemble ne sort pas vraiment de son côté gadget.

Techniquement, comme dit plus haut, on ressort globalement le moteur d'Attila, plutôt correct et qui offre une qualité visuelle honorable, avec toujours sa propension à allonger le temps de calcul des tours de l'IA. Surtout quand on voit ce qu'elle en fait, de ce temps de calcul. J'apprécie particulièrement le style graphique des personnages et des différentes cinématiques, parfaitement adaptés à l'époque et qui me rappellent un peu la BD Arthur de Chauvel, Lereculey et Simon.


Arrête, tu me Brexit

A ce stade, vous vous demandez sans doute combien vous allez devoir casquer pour traverser la Manche, échaudé par la politique tarifaire de la série. Et bien ça m'a surpris aussi : Brittania est vendu 40€ à plein tarif. Comparé à quantité d'autres jeux, ça peut paraître beaucoup, mais cela le situe tout de même dans les produits les moins chers de la série. Creative Assembly devait être bien conscient que le contenu n'est ni révolutionnaire ni en quantité suffisante pour justifier les 60€ habituellement demandés. Cependant on paye vraiment la marque ; moins de factions jouables qu'un Warhammer ou un Rome II, des concepts recyclés tout comme le moteur de jeu, on n'est pas en présence d'un truc bricolé à l'arrache mais on se dit que 20€ serait un prix bien plus cohérent avec le marché.

En conclusion, bien qu'il ne soit évidemment pas désastreux, il ressemble fortement à un skin collé sur un jeu déjà poncé depuis des lustres. J'ai quand même du mal à le conseiller, surtout aux néophytes de la série. Pas parce qu'il est moins intéressant mais bien parce qu'il existe des versions proposant une expérience de jeu plus profonde, plus variée, que Brittania ne corrige pas les défauts de ces prédécesseurs et qu'ils sont aujourd'hui disponibles pour un prix bien plus raisonnable, souvent accompagnés de leurs DLC. Les fans de la saga souhaiteront peut-être compléter leur collection (il y a bien des gens qui collectionnent les Pokemon, pourquoi pas les Total War) ou explorer ce nouveau décor, mais qu'ils soient prévenus : le tout à un goût d'inachevé, d'épisode de transition pour combler le vide entre Warhammer II et le prochain Three Kingdoms. D'ailleurs les chiffres de Steamcharts le prouvent : quelques mois après sa sortie, il y a aujourd'hui plus de joueurs sur Warhammer I ou même sur Medieval II que sur ce Brittania.

Verdict

6

Points forts

  • Gestion stratégique repensée
  • Changement de décor pas désagréable
  • Moins cher...

Points faibles

  • ... pour un contenu moindre
  • IA toujours aux fraises
  • Une forte sensation de déjà-vu

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