Test : Tesla Effect : A Tex Murphy Adventure (Windows, Mac)

Difficile de faire revivre une licence qui a connu le succès avec ses épisodes en Full Motion Video (FMV) à l'époque de l'Unreal Engine 3. Big Finish Games s'en est rendu compte en essayant de donner une suite à la saga des Tex Murphy, sans succès, jusqu'à une campagne triomphale sur Kickstarter, preuve que le jeu d'aventures à la papa n'est pas mort. Même s'il a passé 15 ans en cryogénisation.

Tesla Effect se déroule sept ans après Overseer, dont il est la suite directe : Tex Murphy, détective old school mais décontracté à la Bogart, se réveille chez lui avec une méchante plaie au front. Il ne reconnaît pas la décoration de son appartement, dont les murs sont criblés de trous, et ne s'explique pas la présence d'une valise pleine de billets chez lui. Et lorsque son ami Louie lui apprend qu'on est en 2050, il se rend compte qu'il n'a aucun souvenir des sept dernières années. Il se souvient juste que sa petite amie Chelsee a été enlevée, et que sa perte de mémoire a sûrement quelque chose à voir avec les traces d'une altercation qui a eu lieu en bas de chez lui. En bon détective privé, il va donc enquêter afin de recoller les morceaux.

I like my coffee like my women. Full of liquor.

L'aventure s'articule en deux parties : les interrogatoires, et les énigmes.

La première se déroule principalement dans Chandler Avenue, le quartier ou séjourne Tex, et où on retrouve certains personnages des épisodes précédents, comme Clint, le mutant accro au chocolat qui vivait dans une poubelle, qui est maintenant propriétaire du Ritz, l'hôtel miteux dans lequel vit Tex, et Rook, l'odieux mais étrangement sympathique gérant de la boutique de prêts sur gage. De nouveaux protagonistes font également leur apparition, parmi lesquels Holly Graham, qui lutte contre la ségrégation envers les hologrammes, et la fabuleuse Saffyre. Tous les dialogues sont en FMV, et le joueur peut régulièrement choisir sa prochaine réplique parmi trois, comme dans Pandora Detective, qui avait introduit ce système qui a depuis fait des émules.

Le problème est que chaque option est représentée par une courte expression qui ne donne qu'une très vague idée de la tonalité de la réponse. Difficile dans ces conditions d'adopter une attitude cohérente durant tout le jeu. Cependant la plupart des choix ne prêtent pas à conséquences, et sont juste une occasion de découvrir un nouveau bon mot de Tex, dont l'humour pince-sans-rire, les calembours et les références à la culture populaire sont proprement irrésistibles. D'ailleurs, il est dommage que la réaction de nos interlocuteurs ne dépende que rarement des répliques de Tex. De l'eau a coulé depuis 15 ans, et un système de dialogues plus dynamique n'aurait pas été de refus. Néanmoins, les dialogues sont suffisamment savoureux pour passer outre cette limite.

En plus des dialogues interactifs, le jeu comporte de nombreuses et assez longues séquences en FMV, durant lesquelles se développe l'intrigue. Comme dans les épisodes précédents, elle prend rapidement de l'ampleur, et le petit problème de mémoire de Tex va se révéler être au cœur d'une machination mettant en péril le sort de la Terre, rien que ça. Le scénario s'avère parfois confus, surtout parce qu'il progresse par de brusques à-coups très riches en informations, et souffre d'une baisse d'intérêt globale du jeu dans son deuxième tiers, trop superficiel dans ses mécanismes et déconnecté du reste de l'enquête. Cependant, tout se tient à la fin, presque trop d'ailleurs, le "toutéliage" étant de mise. L'histoire est globalement linéaire, mais certains choix cruciaux donnent accès à des lieux exclusifs, ainsi qu'à 5 conclusions différentes. Une bonne raison de recommencer le jeu si vous n'avez pas tout saisi la première fois.

Ces longues séquences permettent d'apprécier un peu mieux le jeu des acteurs, qui, durant les interrogatoires, ont dû se contenter de débiter leurs répliques à la chaîne. La plupart ne s'en sortent pas trop mal, compensant par leur enthousiasme leur manque de justesse. A ce sujet, seules les voix anglaises sont disponibles, et à moins d'être totalement anglophobe, je vous déconseille formellement le sous-titrage français, catastrophique. Rassurez-vous, l'intégralité des dialogues du jeu est sous-titrée en anglais.

Les énigmes constituent le deuxième versant du jeu, et c'est à cette occasion que l'on découvre Smart Alex, l'assistant personnel de Tex, et du joueur. Il permet d'utiliser l'inventaire et la lampe torche, et de consulter la carte. L'interface de jeu est des plus ergonomiques, le curseur changeant automatiquement de forme selon que l'on veut observer, ramasser, ou interagir avec un objet. D'ailleurs, chaque action est commentée par Tex, voire fait l'objet d'un petit sketch. Le travail réalisé est assez impressionnant, chaque objet (et il y en a beaucoup) ayant droit à son propre commentaire.

Dating, aww ! That's so cute. I guess you can call it that.

Les énigmes sont pour la plupart assez classiques, et nécessitent de se promener dans un unique lieu et de récupérer et combiner différents objets pour arriver à notre objectif, du style trouver la carte magnétique qui ouvrira la porte de la pièce dans laquelle se trouve la pelle permettant de déterrer le post-it sur lequel est inscrit le code du coffre-fort... Enfin, vous voyez le genre. Evidemment, ce n'est pas si simple, et certaines actions nécessiteront de résoudre un puzzle. Les endroits visités sont occupés par des personnes méfiantes, et les dispositifs de fermeture des portes sont souvent farfelus. Globalement les puzzles sont cependant assez basiques, et demanderont au pire l'emploi d'un papier et d'un crayon pour être résolus. Ils s'intègrent bien aux énigmes, sauf lors du deuxième tiers du jeu, où ils s'enchaînent de façon trop systématique sans pour autant poser de réel challenge.

En cas de difficulté, et pour peu que vous ayez opté pour le mode "Casual", vous pourrez obtenir des indices sur la résolution des énigmes, skipper certains puzzles et faire scintiller les objets interactifs sous le faisceau de la lampe torche. C'est dernière fonctionnalité est la plus utile, tant certains objets sont cachés dans des coins ridiculement sombres. Evidemment, en mode "Gamer", vous pouvez vous brosser pour avoir de l'aide. Mais les énigmes sont le plus souvent logiques (hors de question ici d'utiliser un singe comme manivelle), et les objets servent à leur usage premier. Il faudra juste faire preuve de méthode et de perspicacité.

Mais le charme de Tesla Effect ne réside pas dans sa capacité à éprouver vos neurones. Son charme, et ce qui fait son originalité, ce sont ses personnages attachants, son ambiance de film noir décalée, ses dialogues et ses inénarrables séquences en FMV. Big Finish Games a d'ailleurs mis le paquet sur leur qualité, et le jeu ne pèse pas 15 Go par hasard. Il faudra faire de nombreux allers-retours pour interroger les résidents de Chandler Avenue, et il n'est pas nécessaire d'être un habitué de la saga pour les apprécier. Interprétés avec une conviction qui vient compenser, pour certains, un certain manque de justesse, ils sont suffisamment bien caractérisés pour être intéressants, et cela vaut à la fois pour les anciens et les petits nouveaux. D'ailleurs, pour que les petits nouveaux soient à l'aise, Big Finnish Games a inséré ici et là quelques flashbacks issus des épisodes précédents, histoire de remettre tout ce petit monde.

Pour 100 balles, t'as plus rien.

Vous l'aurez constaté en parcourant les screenshots, Tesla Effect ne brille pas par sa technique. Développé sur Unity, la qualité des textures et de la modélisation des décors a autant de retard que la mémoire de Tex, ce qui rend d'autant plus surprenante la qualité de certains décors, comme celui de New San Francisco de nuit. De plus, les maquillages et les accessoires font vraiment cheap, et heureusement que le cast fait le job pour ajouter un peu de crédibilité à tout ça. Par contre, l'ambiance sonore est très bonne, grâce à des bruitages réussis et une musique qui sait se faire discrète, à l'exception du thème du jeu qui envoie du bois. L'essentiel est que le jeu tourne bien, même sur une brouette, et que l'aspect technique ne nuit aucunement à la maniabilité de Tex, qui se dirige à la première personne, ni au plaisir de jeu.

Parce que finalement, tout cela n'a pas tellement d'importance, car ce qui ressort avant tout du jeu, c'est qu'il a été fait avec amour. Les décors sont moches, mais regorgent de détail. Les acteurs ne sont pas tous très bons, mais incarnent avec un enthousiasme et une bonne humeur communicatifs des personnages attachants et hauts en couleur. Les auteurs ont réalisé un travail d'écriture épatant, et Chandler Avenue et ses occupants prennent vraiment corps à travers leurs quelques échanges avec Tex, dont le flegme et l'humour en font un anti-héros irrésistible. Le système de dialogues n'est pas parfait, les énigmes ne sont pas démentes, la technique pêche franchement, mais tout cela n'arrive pas à atténuer la sympathie que l'on peut éprouver pour le jeu, qui vaut plus que la somme de ses parties.

Tesla Effect signe avec brio le retour du détective le plus cool des années 2040. Malgré une technique datée et quelques problèmes de rythme, il dégage un charme fou, tout droit hérité du cinéma populaire des années 80 et du jeu vidéo des années 90. Sans négliger le cœur du jeu, à savoir ses énigmes, et malgré des moyens limités, il réussit à rendre tangibles son univers et ses personnages grâce à une bonne humeur terriblement communicative. Vivement la suite !

Verdict

8

Points forts

  • Dialogues savoureux
  • Excellent casting
  • Enigmes logiques
  • Le charme du FMV
  • Excellente rejouabilité

Points faibles

  • Technique à la ramasse
  • Deuxième tiers assez faible
  • Scénario nébuleux par moments
  • Sous-titres français catastrophiques
  • Un peu simple
Avis des joueurs :
Note moyenne Nb avis
Windows 6.0 1

Commentaires

Rage, 12 mai 2014 - 11:43
Excellent test ... Bon je ne l'ai vraiment pas terminé pour jugé du résultat final mais je dois dire être totalement en accord.
Et plus même : je pense que le fait que le jeu soit réalisé avec de très petits moyens et des graphismes d'un autre temps, des personnages aux maquillages parfois limite et un gameplay typique des Point and Click. Ça donne un cocktail unique et une saveur elle aussi unique.
Tu couples ça avec l'humour et les flashback du jeu ça amplifie ce côté 80's 90's qui donne un charme fou :love::love: