Test : F355 Challenge (Dreamcast)

Cadre idyllique. Une grenadine à la main. Assis à la table d'un très huppé Bar de Florence, Yu Suzuki et moi savourons cette douce après-midi de printemps. Les oiseaux sifflotent, la vie est d'un calme absolu. Soudain, un furieux fait rugir un bolide au loin. Non, que dis-je, une meute de furieux tous azimuts. Ils roulent en Ferrari, les demoiselles n'en peuvent plus d'extase, entassées dans les gradins brûlants, les accélérateurs souffrent le martyr comme jamais, les carrosseries sont rutilantes, mais pas pour longtemps. Les feux s'allument, la tension est extrême. 3, 2, 1, Goooo !

Red forever

F355 Challenge Passione Rossa est avant tout un pari fou tenu par Yu Suzuki, créateur de la série des Shenmue sur la même bécane, si besoin est de le rappeler. Le défi de créer un jeu, à l'image de la marque, en un mot : inaccessible. Rarement, une simulation d'automobile aura été aussi loin dans sa quête vers la perfection, vers la trajectoire absolue.
En vrac, le menu principal propose un vaste panel de modes, entraînement, pour peaufiner ses trajectoires, course simple, pour goûter de très près aux joutes fratricides, arcade, pour un mode qui n'a rien d'arcade, championnat, course en réseau et enfin duel. Tous ces modes différents, ramènent aux six mêmes tracés de base, liste réduite que vous pourrez allonger au gré de vos exploits. Dans un souci de réalisme, ces circuits sont tous la réplique exacte de la réalité (Motegi, Monza, Suzuka, Long Beach pour ne citer que les plus fameux d'entres eux) ce qui décuple l'impression "d'y être pour de vrai".
Mis à part les courses simples, distrayantes quelques minutes, le joueur motivé tentera directement l'aventure Championnat. Ici, pas de chichi ni de qualifications, vous partez tout le temps dernier (8ème), et le but est de finir le plus près possible des premiers, voire en tête selon vos capacités. Un total de points est attribué à chaque fin de course et votre bilan général vous permettra de débloquer moult bonus s'il est brillant. Mais avant cela, la route sera longue, très longue et biscornue qui plus est.

Au Km/H près

Car toute la subtilité du titre ne tient pas dans son large éventail de bolides mis à votre disposition puisque vous ne pourrez vous placer qu'aux commandes de la F355 de base (que vous pourrez colorer à votre guise). Non, elle vient d'un gameplay élitiste au possible, qui ne tolère aucune erreur, mais vraiment aucune. Vous sortez deux roues de la piste pendant 3 secondes, votre course est ruinée. Vous freinez 40 mètres trop tôt lors d'un virage en épingle et vos concurrents s'envolent pour toujours. Dans ce sens, chaque virage, chaque parcelle de circuit se doit d'avoir été étudiée avec minutie, parcimonie lors d'un entraînement au préalable, sous peine de graves désillusions. Pour vous aider dans votre quête vers l'impossible, pas moins de quatre aides représentées par des pastilles vertes lors des courses, vous sont proposées : Stability control (Stabilité), Traction Control (Contrôle de traction), Anti Lock Brake System (ABS) et le moins indispensable Intelligent Brake System (Freinage Auto). D'emblée, retirez cette dernière aide qui enlève la majeure partie de l'intérêt du titre. Pour le reste, vous en aurez besoin encore quelques temps, croyez-moi. D'autre part, l'utilisation d'un volant est vivement recommandé, ou, au pire, d'un kit vibration pour mieux ressentir le bolide entre vos mains. Vous êtes parés? Passons aux choses sérieuses.

Deux cuillerées à soupe d'aliasing matin et soir

Abordons sans plus tarder l'aspect technique du soft. En soi, rien de bien révolutionnaire, le moteur graphique mis en place par les gars d'AM2 fait clairement honneur aux capacités de la Dreamcast qui s'en tire à bon compte, sans aller puiser dans des réserves qui n'existent pas et qui auraient pu faire chuter le framerate d'une manière drastique. Rien de tout cela ici. On peut même apprécier un petit effet de blur du plus bel effet. Le plus rageant reste tout de même cet aliasing imbuvable et omniprésent qui souille toutes les textures fines, par un effet d'escalier scintillant du plus mauvais effet, cela venant en partie gâcher la fête du pixel. Côté physique des voitures, F355 Challenge joue clairement dans la cour des grands, peut-être même encore plus pointu qu'un Gran Turismo 3 à ce niveau. La voiture dispose de comportements ultra réalistes, survirage, sous-virage, patinage (loin d'être artistique), ré-accélération délicate, en bref tout y est, à vous les joies de la conduite sur des ?ufs. Plaisir garanti.
Malheureusement, la gestion des collisions vient ajouter un côté aléatoire et chaotique aux courses. Parfois, lors d'affrontements acharnés pare-choc contre pare-choc, vous serez littéralement expulsés de la piste sans aucune raison apparente alors que vous trustiez les accessits d'honneur. Evitez aussi d'envoyer des petites secousses aux fesses des voitures qui vous précèdent, très mauvaise surprise garantie. Vous l'aurez donc compris, ce genre d'atermoiements pour un jeu qui requiert tant d'investissement et de précision est tout bonnement scandaleux. Shame on you !

Je craque, injectez-moi des gênes de Cyborg!

Une phrase qu'on a tous proclamé au moins une fois en jouant à F355 Challenge. Mais chassée de la tête, l'idée d'avoir affaire à une simulation de pilotage de Ryo Hazuki, il n'en demeure pas moins un soft haletant et prenant au possible. Quelle jouissance que de dépasser ses limites et de pouvoir enchaîner virages après virages à la perfection? Quel plaisir que de swinguer au rythme des courbes avec la parfaite carburation, de configurer au millimètre le chassis? Dans ce sens, F355 trace lui-même clairement ses limites, celles d'un titre à la marge de progression énorme et à la difficulté élevée comme un pic infranchissable. Au fil des parties, néanmoins, le soft se dévoile, laissant apparaître l'un des jeux les plus pointus de sa génération et de sa catégorie.

Pour conclure sur les caractéristiques du jeu, l'ambiance sonore est partagée entre deux extrêmes : des musiques risibles et opaques, contrastant avec un travail sonore sur les voitures admirable et poussé. Un paradoxe à l'image du jeu, tout simplement. Niveau durée de vie, pas moins d'une bonne heure est nécessaire pour bien appréhender et maîtriser chaque tracé à la perfection, comptez donc 10 heures en tout, plus le temps des courses, ce qui amène à un total honorable. Le mode Duel participera à sa façon à relancer le jeu de temps à autre sans pour autant dévoiler la quintessence ultime du titre, tandis que le mode Network est tout simplement hors service depuis un certain décès de la belle.

Finalement, et vous l'avez compris, F355 se destine aux plus acharnés d'entres vous, capables de s'investir sur la durée. Les ? light users ? ou plus communément, les joueurs avides de sensations instantanées le délaisseront au profit d'un MSR par exemple. Faites votre choix.
Quant à moi, à présent, tant de sensations fortes m'ont épuisé. Je vais aller faire un tour dans les gradins, on ne sait jamais ce qu'on peut y trouver. Tu viens, Yu ?

Verdict

7

Points forts

  • La physique des autos
  • Simulation à mort
  • Beaucoup de modes
  • Ideal pour les puristes

Points faibles

  • Trop élitiste
  • La gestion des collisions
Avis des joueurs :
Note moyenne Nb avis
Dreamcast 9.0 11

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