Interview : Masato Maegawa (Treasure) parle de la Mega Drive

Évoquer la Mega Drive et ses nombreux hits conduit souvent à parler d'un des studios ayant le plus marqué les joueurs de son empreinte indélébile de par ses jeux incroyables ; dans son numéro en date du premier novembre 2018, Famitsû a eu l'excellente idée d'interviewer Masato Maegawa du studio culte Treasure et nous vous en proposons enfin la version française faite avec amour (si si !).

Je vous souhaite une excellente lecture et n'hésitez pas, sauf si c'est déjà fait, à lire nos précédentes traductions provenant du même numéro :

Hideki Satô
Masami Ishikawa
Rieko Kodama
Yûzô Koshiro
Les frères Takahashi

 

Famitsû : Pourquoi cette première œuvre qu'est Gunstar Heroes a été développée sur Mega Drive ?

Masato Maegawa : Même avant de devenir indépendant, j'ai toujours voulu créer des titres originaux comme bon me semble. à l'époque, sur Mega Drive j'avais pu ressentir un environnement permettant de créer des jeux inédits en toute liberté, et donc, en devenant indépendant j'ai décidé de travailler sur cette console.

C'est donc ça. Si je vous demande cela, c'est tout simplement que je me m'interrogeais sur le pourquoi de ne pas avoir choisi la très populaire Super Famicom pour Gunstar Heroes, il aurait sûrement pu se vendre encore plus.

Il y avait énormément de jeux à succès sur Super Famicom avec une forte possibilité qu'un titre venu d'une entreprise inconnue comme la nôtre passe complètement inaperçu (rire).

Ne sortir nos jeux que sur les machines SEGA nous permettait d'être sous le feu des projecteurs je pense. Et puis il faut se dire que lors de la création de l'entreprise, plus que les ventes, il s'agissait de faire les jeux qu'on souhaitait, et cet environnement qui nous incitait à créer ce qu'on aime plutôt que de se préoccuper des bénéfices avait une grande importance.

Et dans les faits, vous étiez libre de créer comme vous le vouliez ?

Bien que nous, Treasure, faisions des jeux pour SEGA, on ne nous a jamais rien dit sur le contenu, nous étions plutôt libres dans la création. J'ai compris par la suite qu'il n'était pas habituel qu'un éditeur laisse à ce point créer en toute liberté (rire).

De plus, il était alors normal de ne pas dévoiler le nom de l'entreprise développant le jeu, mais on nous laissait le faire, on nous laissait même la possibilité de faire notre propre promotion. Cela convenait parfaitement à la philosophie de Treasure, c'était un environnement de développement absolument fantastique.

Vous aviez vu juste avec votre courageuse décision.

Oui. Bien entendu, le joueur n'en avait pas conscience, mais nous, les développeurs, étions on fire quant à l'idée de voir la Mega Drive faire face d'une manière intrépide au tout puissant hardware Nintendo (rire).

Nous ressentions un sentiment d'unité avec les joueurs, c'est pour cela qu'après avoir choisi la Mega Drive nous avons continué sur Saturn, et je pense que nous avons eu raison.

Et aussi, pourquoi Gunstar Heroes comme première œuvre ?

Au début du projet, on avait pour concept de faire un action shooting game super dynamique, en fait, on souhaitait simplement faire un titre dans un style dans lequel on excellait.

On voulait une confrontation de face sans prendre de détour. J'ai souvenir que chaque personne du staff faisait ce qu'elle aimait avec pour thème " du fun " et " y mettre toutes sortes de chose " (rire).

Bref, ce projet dans lequel on a mis tous ce qu'on aimait a pris la forme de Gunstar Heroes.

Si on parle d'une œuvre de Treasure, on pense forcement à Yû Yû Hakusho Makyôtô Issen. Dans le domaine des jeux à licence il fait partie du haut du panier, quel fut le concept pour le développement ?

En fait, ce Yû Yû Hakusho, au début, n'était pas Yû Yû Hakusho. Au départ, nous avions commencé le développement d'un jeu d'action original.

Vraiment !

Oui. Avec pour base un jeu d'action, 2 plans, des techniques spéciales simples à réaliser et un bouton dédié à la garde, en fait, les bases du système et du jeu étaient déjà établies.

Lorsqu'on nous a demandé d'en faire un Yû Yû Hakusho, nous avons simplement changé les personnages. Évidemment, afin que ça colle aux personnalités des protagonistes il a forcément fallu faire de gros changements.

Bien entendu, à l'époque, lorsqu'un jeu à licence se faisait c'était le plus souvent prévu dès le début. Toutefois pour Yû Yû Hakusho c'est exactement l'approche inverse, et je me demande si ce n'est pas ce qui lui a valu d'être si bien accueilli.

Grâce à votre histoire, je comprends encore mieux pourquoi on en parle comme d'une œuvre marquante. Au fait, dans la ludothèque de l'époque de la Mega Drive, y avait-il un titre que vous jalousiez en tant que développeur ?

Il n'y a aucun sentiment de jalousie, toutefois, des jeux comme Sonic The Hedgehog, Shining Force ou encore Landstalker, considérés comme des chefs d'œuvres, restent aujourd'hui toujours aussi amusants. C'est aussi parce qu'il y avait de tels jeux que nous avons voulu travailler sur Mega Drive.

En tant que hardware, dans quels domaines la Mega Drive vous a donné l'impression d'exceller ?

Son plus grand charme est sans aucun doute le fait qu'elle soit équipée d'un CPU MC68000. Parce qu'il y a ce CPU, il était possible de faire des choses plutôt intéressantes que la Super Famicom ne pouvait pas permettre. Et grâce à cela, dans Gunstar Heroes on a par exemple des personnages à qui on a pu donner plusieurs articulations, et les faire tournoyer.

Si je dois parler des points faibles, il y a le manque de couleurs ainsi que le peu de RAM. Pour cette raison, afin de faire les décors et les personnages, il fallait utiliser cela avec méthode, le haut et le bas du corps des Zako (ennemis de base) sont en fait en 2 parties, un programme fait en sorte de les assembler, on a pu résoudre un souci de cette manière. C'était très amusant de devoir trouver des astuces pour venir à bout des contraintes.

Il a aussi le fait de bien utiliser le scrolling horizontal et vertical afin de pouvoir faire un pseudo effet de rotation que la Mega Drive ne pouvait pas faire en hard.

C'est une attitude incroyable d'être aussi déterminé !

C'est un des attraits de la Mega Drive que de permettre de faire tout un tas de choses à condition d'avoir des idées. Pour en revenir à l'exemple de la rotation que j'évoquais plus tôt, dans le cas de la Super Famicom, puisqu'elle est dotée de cette fonction en hard, la question qu'on se pose naturellement en tant que développeur est " on l'utilise pour faire quoi ? " alors que pour la Mega Drive, n'ayant pas cette fonction, on se demandera plutôt " on fait comment pour obtenir un effet de rotation ? ". Et du coup, c'est inversement plus amusant.

Je vois. C'est vraiment une caractéristique propre à Treasure que de se donner autant de mal.

Et entre parenthèses, ce n'était pas seulement la Mega Drive, il n'y avait pas de hard avec des capacités 3D à l'époque. Toutefois, nous avions aussi l'envie de relever le défi... Lorsqu'on lance un jeu et qu'on voit le logo Treasure, ce dernier est fait de polygones. Il a fallu plusieurs mois de recherches pour avoir ce résultat, on l'a rendu réel en faisant un peu l'impossible (rire).

Vous êtes perfectionniste (rire). Mais c'est aussi parce qu'il y eu des gens comme cela derrière ces jeux que même aujourd'hui il y a tant de personnes qui les aiment je pense.

Par la suite, Gunstar Heroes a été converti sur de nombreuses machines. J'en suis vraiment reconnaissant. Toutefois, pour un jeu, c'est son concept et ses qualités en tant que jeu qui sont le plus importants. Dans les softs d'avant, les capacités au niveau du rendu graphique étaient limitées, et il fallait trouver comment faire de bons jeux dans ces conditions restrictives.

Et donc, plutôt que de la simple nostalgie, qu'on puisse se dire que les jeux d'avant sont vraiment bien, me fait très plaisir.

Et pour finir, lorsque la Mega Drive Mini a été annoncée, qu'avez-vous ressenti ?

Pour être honnête, il est vraiment dommage qu'elle ne sorte pas l'année de ses 30 ans mais la suivante. Toutefois, je pensais qu'il était obligatoire de proposer un tel objet, et lorsque j'ai eu connaissance de sa sortie en lisant les news, j'étais vraiment content. Il aurait été bien de pouvoir y mettre les cartouches de l'époque... bon, ma Mega Drive est plutôt résistante et fonctionne encore, donc jusqu'à ce quelle tombe en panne tout va bien (rire).

Traduction/adaptation : VirtuaHunter
Correction/relecture : Shenron

Commentaires

Rage, 04 oct 2019 - 10:23
Enfin j'ai pris le temps de lire !!! Et effectivement merci pour nous permettre de lire cela :love::good:
chaz, 06 oct 2019 - 12:11
Purée j'adore ces mecs et cette mentalité et merci à SEGA pour avoir laisser aux développeurs et quelqu'ils soient, autant de liberté.
Moi aussi je sais pourquoi je suis allé et rester chez SEGA.